Eyjafjallajökull - Fallait-il fermer l'espace aérien ?
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Script de l'entretien avec Monsieur Patrick-Louis David, Météo France

(Préparatifs)

Emmanuel Chambon : Très bien. Si vous voulez … On a réuni le groupe. On est cinq personnes. On va vous rappeler un peu le principe de l’enseignement au cours duquel on doit vous contacter. C’est un enseignement qui s’appelle « controverses » et qui vise à étudier un problème (cela peut être scientifique, technique …) pour lequel il y a plusieurs parties en présence qui n’ont pas d’avis définitif sur une question. Notre sujet est le volcan islandais : fallait-il fermer l’espace aérien ? Dans ce cadre, on souhaite vous interviewer sur ce sujet. Je vous indique juste (enfin, on vous en avait déjà parlé par messages à propos de la confidentialité) que là, actuellement, je suis en train d’enregistrer la conversation … donc je vous préviens pour ne pas vous prendre en traître. Donc est-ce que ça vous …

(Problèmes de communication)

Emmanuel Chambon : Je disais qu’on était en train d’enregistrer la conversation.

Patrick-Louis David : Tout à fait.

Emmanuel Chambon : Si ça ne vous dérange pas … Bien entendu, comme on vous l’a dit dans les messages, vous aurez le droit d’écouter, d’intervenir sur le contenu.

Patrick-Louis David : Oui, voilà, absolument, il y a juste un petit contrôle pour s’assurer que, entre guillemets, les secrets de l'État – oh, à mon avis, d’ailleurs, sur cette affaire-là, les secrets, il n’y en a pas tant que ça, et honnêtement, en fait, comme moi je travaillais en direction inter-régionale, et non pas dans les discussions de niveau national, international, à mon avis, il n’y a pas de secrets, il ne doit pas y en avoir des tonnes, en tout cas il n’y en a pas que je connaisse, donc nous sommes relativement tranquilles.

Emmanuel Chambon : D’accord, très bien. Donc si vous voulez, on va commencer à vous poser les questions.

Patrick-Louis David : D’accord, oui.

Emmanuel Chambon : Une première question assez générale, ça serait plus sur : « Comment Météo France a vécu cette crise ? » Quelles ont été les différentes évolutions dans la gestion de la crise à Météo France ?

Patrick-Louis David : D’accord, alors je parlerai quand même peut-être plus à mon niveau à moi : il est possible qu’au niveau national il y ait eu un timing légèrement différent …

Emmanuel Chambon : D’accord.

Patrick-Louis David : Je n’ai pas sorti absolument tout le dossier, l’ensemble du dossier de crise. Disons, grosso modo … Alors je reviens peut-être sur notre rôle.

Nous savions (enfin pour nous, en direction inter-régionale, c’est un petit peu moins pour nous) que la France était responsable d’un centre d’avertissement des cendres volcaniques, sur une certaine zone, et que, effectivement, lorsqu’il y a un panache de cendres volcaniques, le niveau national a un suivi à faire par la modélisation (de toute façon, nous y reviendrons plus tard) et que derrière il y a des informations à fournir à l’aviation civile, et tout cela se passe niveau international et au niveau national. Donc moi, à mon niveau (régional), je n’avais pas à ce point une conscience des impacts que tout cela pouvait avoir. Je suppose que c’était moins le cas des responsables de la prévision aéronautique (au niveau national) de Météo France et de ceux qui avaient travaillé sur la mise en place de ces avertissements internationaux, suite à un certain nombre d’incidents. Donc pour moi, c’était tout simplement ... Les informations sur l’éruption du volcan, je dirais, c’est comme le grand public, j’avais regardé ça : « Bah oui, tiens, en Islande, ça se réveille, bon ». C’est toujours spectaculaire, c’est effectivement le vendredi matin, donc c’est le 15 avril, aux informations, avant de partir au bureau, effectivement, ils ont indiqué que l’espace aérien (ça devait être du côté de l'Écosse) était fermé. J’ai dit : « Tiens, bon, il y a des collègues qui doivent travailler sur le sujet ».

Pour moi, en fait, c’est arrivé par une information que j’ai dû récupérer pendant la pause du midi, en regardant les nouvelles, le trafic mail, comme quoi, effectivement, il y avait une dépêche que l’ensemble de l’espace aérien britannique était progressivement fermé. Les vols vers ce secteur-là étaient annulés, et un petit coup d’œil sur la situation météo, d’évidence, les vents venant du Nord-Ouest, ça nous venait droit dessus. Donc j’ai immédiatement pensé à lancer une alerte interne au niveau de la direction inter-régionale, pour dire : « Attention, on va avoir des problèmes, on risque d’avoir des appels de journalistes », et en même temps un petit message au niveau national, bah, vous devez être au courant : « Qu’est-ce qu’on fait ? ». Et immédiatement les appels de journalistes nous sont tombés dessus dans la demi-heure qui a suivi.

Évidemment, le niveau national, la prévision aéronautique à Toulouse et la direction générale étaient déjà sur le coup, avec une cellule de crise qui était ouverte à la DGAC et puis dans les principaux aérodromes. Donc pour nous (en direction inter-régionale), je dirais, le vendredi 15 et le samedi 16, ça a été de gérer l’urgence … c’est-à-dire les réponses aux médias, sachant qu’on n’avait pas quand même énormément d’informations, le temps que toute l’information arrive, en particulier les sorties de modèles. C’était sur Internet, d’ailleurs, mais on n’avait pas les accès puisqu’on n’était pas les sensés les traiter ni les avoir …

Et puis il y avait en fait deux problèmes : il y avait à la fois la circulation aérienne (les contacts avec les aéroports locaux, sur notre zone de responsabilité) et les préfectures, bien sûr, qui s’inquiétaient aussi des éventuels aspects sanitaires qui après, très curieusement, ont disparu du paysage. Très vite, la crise s’est focalisée sur l’aspect aérien, alors qu’on aurait fort bien pu se poser la question (et d’ailleurs il y a eu quelques échanges sur les risques pour la santé). Donc là il a fallu rapidement, très rapidement, avoir les éléments de discours vraiment essentiels, je dirais presque, là, en faisant appel aux connaissances générales, aux miennes, quand même, moi qui suis passé dans pas mal de postes dans l’établissement pour pouvoir répondre aux médias, et puis rapidement, également, comment dirais-je, aux autorités locales, principalement préfectures, étant entendu d’ailleurs, que bon, après, de toutes façons, les décisions de fermeture des aéroports et des espaces aériens, ça ne se passait pas du tout au niveau régional, c’était au niveau national. Un certain nombre de compagnies aériennes, d’opérateurs locaux de trafic aérien, ne serait-ce d‘ailleurs que les opérateurs du SAMU, ont décidé de mettre vendredi 15 en fin d’après-midi … d’arrêter les vols, y compris les évacuations sanitaires et hélicoptères, ce qui était lourd de conséquences, mais d’un autre côté, après tout, on ne savait pas trop ce que cela pouvait provoquer. C’était du principe de précaution, à mon avis, poussé à l’excès ! J’aurai tendance à dire, je me mets à leur place, ce n’est pas la peine d’avoir un équipage au tapis … un malade dans l’hélicoptère … le transport par ambulance, ça existe. Bon, après coup, c’était sans doute exagéré, mais vous savez, sur le moment, directement, au téléphone quand ils nous ont informé on ne pouvait que répondre … vous savez, je vous comprends, c’est peut-être un peu prématuré mais je vous comprends !

Et ça a été un peu pareil le samedi, et puis, donc, après, là, ce qui s’est passé au niveau national à ce moment-là (moi j’étais plongé dans ma crise locale) ; il a fallu un petit moment avant qu’il y ait des grandes conférences qui soient régulièrement établies pour faire le point sur la situation. J’ai un petit peu de mal, j’aurai du mal à vous décrire l’historique à ce moment-là des opérations. De ce que je comprends, c’est effectivement … donc on se trouvait face à une situation où, pour le volcan islandais, donc au niveau du service des cendres, l’avertissement aux cendres volcaniques, l’espace … l’ensemble du globe a été réparti je crois entre huit centres. Et donc pour ce qui concernait le volcan islandais, c’était Londres qui était en charge. Donc là il y a eu une décision au niveau français qui, d’ailleurs imposait de faire confiance à Londres, c’est-à-dire de s’appuyer sur leurs prévisions. C’était leur zone d’intervention, il fallait s’appuyer dessus … et ça je suppose que ça a pris quelques heures, bien entendu, de collaborer en pratique sur ce cas avec eux, c’est-à-dire au niveau français, la modélisation de transfert des cendres a été également lancée avec échanges de résultats. Disons qu’au niveau international pour la sécurité de fonctionnement il y a des tandems de centres qui sont établis, c’est-à-dire que Toulouse est le secours de Londres en cas de problème de fonctionnement à Londres. On ne sait jamais … ça peut toujours arriver … ou vice et versa, Londres est le secours de Toulouse en cas de panne complète à Toulouse.

Donc on a pris la décision, en accord avec les anglais, de faire tourner également le modèle français, ce qui permettait de confronter et conforter les résultats, mais en aucun cas on ne se substituait à Londres et on ne sortait du modèle britannique, étant entendu que nous, on n’aurait pas aimé que nos amis britanniques nous fassent le coup si jamais le volcan avait été sur la zone de responsabilité de Toulouse et si une diffusion de Londres avait amené à des résultats divergents. Bon, en fait, avec les cartes qu’on a eues, les deux modélisations sont toujours restées très très proches l’une de l’autre, ce qui, quelque part, confortait les deux centres dans l’analyse, quand même. Évidemment, comme toujours, entre deux modélisations un peu différentes, il y a toujours quelques minimes différences, à la marge.

Donc là, en application des procédures qui existaient à ce moment-là … bon après, l’étendue du nuage de cendres était fournie aux autorités, avec son évolution … Et il est clair que la zone avec risque de cendres atteignant l’espace aérien français et le recouvrant progressivement (et c’était pareil pour les pays environnants), il commençait à devenir à mon avis assez difficile pour les autorités (en dehors d’autres informations) de prendre une autre décision que la fermeture des espaces aériens et des aéroports.

Enfin, il y avait deux décisions possibles : soit la fermeture (donc ça c’était clair et net), soit de laisser les compagnies aériennes prendre leurs responsabilités, ce qui aurait probablement conduit à la même chose, mais avec probablement encore plus de pagaille.

Donc là, à ce moment là, c’était la montée en puissance, puis après est arrivé le dimanche. Donc les prévisions météorologiques, à ce moment-là, laissaient attendre, je crois que c’était pour le samedi soir ou le dimanche, disons un arrêt temporaire, très temporaire, du flux de Nord-Ouest au niveau de l’Ecosse, donc on pouvait toujours espérer une légère amélioration. Or, en fait, ça n’a absolument pas été le cas, à la sortie de la modélisation, parce que cette zone à risque de particules, une fois installée sur la France, compte tenu des conditions météorologiques, enfin, quand je dis sur la France, en fait sur l’Europe de l’Ouest, et bien elle n’allait pas se disperser toute seule comme cela. Les conditions météorologiques sur la zone ne la faisaient pas se disperser. Quand bien même le flux amenant les particules depuis le volcan était temporairement arrêté, détourné, la zone à risque restait là et de toute façon, dès le début de la semaine suivante, le flux de Nord-Ouest a repris ce qui est finalement, peut-être pas courant, mais pas exceptionnel au mois d'avril (un flux de Nord à Nord-Ouest, c'est quelque chose qui se produit assez souvent).

Le flux de Nord a repris et donc l'alimentation en particules. A ce moment-là, il est évident que le problème a commencé à devenir aigu : arrêter tous les avions pendant un à trois jours, c'est très grave, mais quand on voit que ça risque de continuer pendant des jours et des jours, cette situation est absolument critique. A ce moment-là, tous les experts nationaux et internationaux ont commencé à se poser des questions sur l'ensemble de la procédure. La zone à risque de particules était en altitude et ne fournissait pas de concentration absolue en particules sachant que d'un autre côté, il n'y avait pas de règle existante : à partir de quelle concentration y a-t-il un danger grave, modéré ou faible sur les vols aériens et pour quels types d'aéronefs ? Mon impression personnelle est que, finalement, au niveau international, il y avait dû y avoir des discussions sur le sujet parce que des éruptions, il y en a assez régulièrement et une telle procédure a été activée à plusieurs reprises mais semble-t-il, il n'y avait pas, je dirais, de règle très précise sur le sujet. Il y avait également un autre débat : le volcan ne nous avait pas envoyé sa carte de visite ! Le 16 avril, et sans doute encore le 17, les données d'émission, en terme de volume émis de particules étaient à peu près inconnues peut-être à un facteur 10 près. Ensuite, le terme source étant très mal connu, la suite des opérations ne peut pas être connue avec une grande précision.

Dès le samedi 16, nous manquions d'observations. Les observations viennent des données satellites. Avec un traitement spécial, elles permettent de faire ressortir dans certaines conditions une étendue de la zone dans laquelle il y a une certaine concentration de particules, sans fournir de concentration absolue (seulement un « nuage » visible par satellite). Malheureusement, ce week-end là, pour une bonne partie de la zone, il y avait des nuages qui ne permettaient pas de faire fonctionner la restitution satellite correctement ou du moins de façon très très partielle. De plus, les mesures in-situ, il n'y en avait pas car les vols étaient de toute façon interdits. Le samedi, la seule chose qui a donc été progressivement disponible, ce sont les rares LIDAR, une sorte de radar optique utilisé par la recherche, mais les données ont été disponibles plus tard. Par contre, tous les aéroports importants ont un télémètre de nuage qui permet de mesurer le plafond nuageux (les télémètres modernes comportent une diode laser, on peut dire que c'est le LIDAR du « pauvre » !). Effectivement ces télémètres à nuage, par certaines conditions de ciel clair, ont détecté un retour alors qu'il n'y avait pas de nuage, je n'ai plus les chiffres en tête, mais environ vers 6000 mètres d'altitude, soit aux altitudes que fournissait la modélisation, ce qui laissait entendre qu'il y avait peut-être quelque chose mais on ne savait pas quoi, car ces instruments ne sont pas faits pour cela. Donc il y avait quand même des indices qu'il y avait quelque chose en altitude, tout ceci conforté par les quelques observations satellitaires disponibles.

En début de semaine suivante, nous nous sommes trouvés face à une situation qui menaçait de s'éterniser : les concentrations absolues et les niveaux de risque pour les avions n'étaient pas connus. Nous nous disions que nous n'aimerions pas être à la place des autorités. Nous, nous fournissons les résultats (Londres et Toulouse travaillaient en commun en permanence) mais évidemment ce ne sont pas les centres météo qui prennent les décisions et donc nous nous imaginions à la place des autorités alors qu'il n'y a pas de critère : qui va donc vouloir prendre le risque de donner l'autorisation de voler ?

Donc finalement, il a fallu essayer d'avoir des mesures in-situ pour « caler » les modèles et je comprends que derrière, il y a eu également des travaux acharnés et des contacts avec bien entendu les constructeurs aéronautiques et en particulier les fabricants de turbines pour essayer d'en savoir un peu plus sur la vulnérabilité. Donc derrière, c'est allé « très vite » compte tenu du travail à faire, sûrement pas vite pour les gens qui étaient bloqués dans les aéroports et qui se demandaient comment rentrer chez eux. Il fallait donc mettre en place des mesures in-situ donc effectivement tous les LIDAR de recherche étaient activés et il y a eu réalisation de vols instrumentés dans le nuage avec quelqu'un qui prenait quand même la décision d'envoyer un avion. L'avion de recherche de Météo FRANCE est à turbopropulseurs donc normalement pas dans les avions qui étaient censés être les plus fragiles. Il avait fallu reconfigurer cet avion car il n'était pas du tout configuré pour faire ce genre de mesures. Il disposait de l'instrumentation pour effectuer les mesures mais pas configurée pour cette situation. En même temps, il y a eu des décisions d'Air France par exemple, d'effectuer des vols de reconnaissance.

Progressivement, grâce à cela, il y a eu une augmentation des données sur le nuage lui-même, sur ce qui était émis. Une fois que l'on dispose d'une évaluation à peu près correcte de l'émission, il devient plus facile d'être plus précis sur les concentrations à l'intérieur de la zone de risques et de caler la modélisation en termes de concentration parce qu'effectivement, les avions ont relevé des particules, en quantité faible, comme le laissait suspecter la modélisation. Après, avec les données des motoristes, des avionneurs et des vols de reconnaissance, progressivement, les choses ont pu se rétablir jusqu'à l'extinction du volcan plus tôt que ce qui était prévu et jusqu'à l'évolution des conditions météorologiques dans un sens plus favorable. Donc voilà en gros la chronologie. Au début c'est toujours l'effet de surprise. Par rapport à cela, on a appliqué les plans qui sont prévus puis on s'est alors retrouvé face à une situation que je ne sais pas si quelqu'un avait imaginé, je suppose que oui, mais qui a conduit à une telle paralysie du trafic aérien et pendant une telle durée. Sachant que pour autant, ces dispositions sont régulièrement appliquées dès qu'il y a un volcan en éruption. C'est très curieux qu'ailleurs, cela n'ait pas conduit aux mêmes problèmes mais il ne faut pas oublier la densité du trafic aérien en Europe de l'Ouest.

Bon, je peux essayer de développer un tout petit peu sur la coopération sachant que cela est un sujet que je ne connais que par les conférences nationales de crise internes à Météo-France. Ce que je comprends, c'est qu'il y a eu les deux centres internationaux de modélisation de Londres et Toulouse. Il y a même d'ailleurs eu après une troisième modélisation qui a été lancée qui complétait les précédentes et essayait comme cela de distinguer ce qui tenait de l'acquis et ce qui paraissait plus hasardeux. Nos collègues britanniques ont manifestement fait un très gros travail et ont eu à gérer une pression énorme, et c'est pour cela que le centre français est volontairement resté en retrait. Les autorités françaises avaient les sorties du modèle français mais en regard permanent du modèle britannique. La mise en parallèle des deux modèles a permis de montrer les incertitudes et a aidé nos collègues britanniques à aller le plus loin possible dans les possibilités de la modélisation.

Emmanuel Chambon : Y a-t-il chez Météo FRANCE des personnes qui ont une formation de volcanologie ou de géologie ? Y a-t-il eu collaboration avec des instituts de recherche en volcanologie ?

Patrick-Louis David : A ce sujet-là, je ne saurais pas vous répondre. La présence de telles personnes disposant de cette formation m'étonnerait sauf bien sûr à titre personnel et donc, pour le personnel travaillant directement à la modélisation, au bénéfice de leur activité professionnelle. Je pense qu'ils travaillent en liaison avec de tels instituts mais je n'en sais pas plus.

Il y a cependant forcément un partenariat puisque nous avons besoin des volcanologues déjà pour les avertissements sur l'entrée en éruption d'un volcan puisque dans ce cas, l'information nous vient par différents canaux dont bien entendu les instituts chargés de la surveillance des volcans, pour les volcans qui sont sous surveillance (soit une fraction pas très importante) et nous avons besoin d'eux pour évaluer les termes sources c'est-à-dire ce qui est émis par le volcan. En effet, on veut faire de la modélisation et arriver à des teneurs/concentrations, ce qui n'était en fait pas tout à fait le cas de ces modèles de dispersion des cendres jusqu'à la crise de l'Eyjafjöll. Toutes ces données initiales, il n'y a que les volcanologues qui peuvent nous les fournir. Bien entendu, après, il faudrait essayer de faire des mesures in-situ à proximité du volcan mais les volontaires pour les vols de reconnaissance dans le panache sont quand même assez peu nombreux, connaissant les risques !

Il y a donc nécessairement une coopération qui existe déjà et qui ne pourra que se développer. Par contre, je ne saurais pas vous dire s'il y avait une coopération très importante ou pas, entre nos collègues britanniques et les volcanologues islandais qui s'occupaient de l'Eyjafjöll. Après coup, dans les informations grand public qu'on a eu, effectivement, il y avait bien ces évaluations des émissions qui étaient faites par les volcanologues.

Matthieu Schira : J’avais aussi une autre question à vous poser : vous nous avez parlé des différents acteurs avec qui vous étiez. Est-ce que vous pourriez nous en dire un peu plus, et notamment vos relations – les relations de Météo France, je veux dire – avec les autorités : est-ce que vous étiez directement en liaison avec la DGAC ? Est-ce que vous aviez aussi des questions de la part de certaines compagnies aériennes directement, ou est-ce qu’il y avait d’autres intermédiaires ? J’aurais voulu savoir quels étaient vraiment vos interlocuteurs les plus proches au cours de cette crise.

Patrick-Louis David : Pour nous, au niveau inter-régional, nous n’avons plus eu de contacts à partir du 17 avril. J’ai informé directement la préfecture brièvement, mais qui de toute façon n’avait plus de besoins particuliers, puisqu’elle était informée directement par le niveau national. Il est clair que tous les contacts qu’avait le niveau national, je ne peux pas les certifier. Ce qui est clair, c’est qu’il y avait contact bien sûr avec les principaux ministères concernés, avec l’aviation civile et les grands aérodromes, le contact a été permanent avec pratiquement une cellule de crise permanente. Je pense qu’il y a eu contact également à ma connaissance avec les grands avionneurs – je pense en particulier à EADS, et je suppose Boeing. A ma connaissance, mais je ne l’ai plus en tête, inévitablement les grosses compagnies aériennes étaient dans les cellules de crise. Il y a eu des contacts directs. A mon avis oui, à certains moments, mais comme ça je ne l’ai pas en tête.

Matthieu Schira : Et au niveau de cette cellule de crise qui a été mise en place à Météo France comme vous le disiez, est-ce que vous pourriez nous en dire un peu plus ? Il y avait des gens qui étaient en permanence dans un centre qui surveillaient l’évolution du nuage, qui étaient en contact avec les autorités ? Comment fonctionne un centre de crise ?

Patrick-Louis David : En fait il y avait plusieurs cellules de crise. Il y avait la cellule de crise au niveau national Météo France, qui regroupait tous les principaux acteurs de niveau national : direction générale, direction des affaires institutionnelles qui est chargée des relations avec l’aéronautique et avec l’aviation civile, en particulier le bureau aéronautique, et il y avait le centre de Toulouse, le centre de recherches, et la division de prévision aéronautique qui a la responsabilité du centre d’avertissements volcaniques donc la responsabilité opérationnelle. C’est une cellule de crise permanente qui travaillait en liaison avec la cellule de crise – il y avait la cellule de crise à mon avis interministérielle, et déjà au niveau aviation civile dans laquelle nous envoyions régulièrement des experts pour faire le point. Ils revenaient avec les questions. Nous-mêmes nous participions – les directions inter-régionales, elles, se rapprochaient pour les problèmes qui pouvaient se poser au niveau inter-régional mais vite, nous en avons eu beaucoup moins.

Il y avait 3 ou 4 téléconférences par jour pour faire le point mais qui pour nous étaient, devenaient progressivement plus des points d’information. Sachant qu’effectivement on était acteurs pour l’accueil de l’équipage de l’avion Météo France, un certain nombre de petites choses : protection, prévisions météorologiques spécifiques pour eux. Nous n’étions plus, au niveau des directions inter-régionales sur une crise comme ça, nous n’étions plus en première ligne. Il y avait cette cellule de crise au niveau national de Météo France qui était pratiquement H24, étant entendu qu’évidemment le service de prévisions aéronautiques à Toulouse lui était de toute façon H24 et était sur le pied de guerre avec les équipes de renfort pour suivre la question du nuage volcanique, étant entendu par ailleurs, l’activité aérienne étant stoppée, ils continuaient à faire ces messages de routine opérationnels mais ils tombaient quand même un peu dans le vide. Cela permettait aussi de récupérer un peu de personnel je pense. Cela c’était H24, à mon avis au niveau aviation civile c’était pareil, ils avaient leur propre cellule de crise et avaient un point d’information téléphonique régulier. Et il y avait échange bien sûr entre les cellules de crise internationales. Comme nous, nous avions notre pont téléphonique régulier, au niveau national il y avait les cellules interministérielles, les regroupements d’experts pour faire le point.

Matthieu Schira : Est-ce que vous avez ensuite, une fois le summum de la crise passée et que les choses étaient un peu plus retombées, est-ce que vous avez un peu pu évaluer la façon dont vous avez abordé la crise par rapport à d’autres centres météorologiques européens ? Ou si vous pensiez que certaines choses auraient pu être réglées plus facilement, ou au niveau de la gestion de la crise à Météo France, comment est-ce que vous l’avez vécu ? Est-ce que vous pensez qu’il y avait des petites lacunes ?

Patrick-Louis David : A ma connaissance il y a dû avoir un retour d’expérience au niveau national auquel nous avons peu participé au niveau régional puisque nous étions peu acteurs. Je ne sais pas s’il y a eu un retour d’expérience comparé spécifiquement entre services météorologiques. Par contre il y a bien entendu eu des réunions suite à cela, et des retours d’expérience pour voir ce qu’il faudrait améliorer dans le futur, en particulier ce que ça a mis en évidence. Pourtant il avait bien déjà dû y avoir quelques réflexions sur le sujet par le passé, c’était absolument de connaître plus précisément la vulnérabilité des avions c’est-à-dire à partir de quelle teneur il y a un début de risque, puis un risque sérieux.

Et après, effectivement, une fois qu’au niveau des avionneurs on a un seuil de vulnérabilité qui est forcément en teneur en particules, voire en caractérisation des particules, derrière il faut faire évoluer la modélisation, pour du coup sortir une estimation des teneurs et au-delà il faut avoir une évaluation précise de l’émission par le volcan. Et pour caler tout cela, ça suppose des mesures que nous n’avons pas actuellement, à commencer par des mesures à proximité du volcan, ce qui est loin d’être évident, puisque derrière les techniques probablement ce ne sera pas d’envoyer un avion avec pilote, les risques étant trop élevés, donc il faut trouver autre chose, ou encore à plus longue distance ce serait certainement d’avoir un réseau de LIDAR. Autour de ça il y a un ensemble de recommandations. Est-ce qu’elles arriveront à réalisations, je demande à voir. Au minimum, ce sera certainement de disposer plus vite et plus d’avions instrumentés, au moins pour les parties très diluées de nuages – enfin nuage c’est un terme impropre – de zones à risque, pour lever le doute ou au contraire le confirmer. Sachant par contre que par le passé, on sait très bien – mais de toute façon vous avez dû l’apprendre – il y a eu des incidents très graves observés sur des traversées de nuages volcaniques par les avions.

Emmanuel Chambon : Vous aviez parlé aussi des aspects techniques : vous avez mentionné le Lidar, qui est un moyen de mesure apparemment. Est-ce que vous avez des moyens d’évaluer la concentration en cendres, ou est-ce que c’est uniquement des modèles ?

Patrick-Louis David : A mon avis avec le LIDAR, à ma connaissance si je comprends bien il peut fournir une évaluation, ce n’est peut-être pas exactement de la concentration, parce que là je ne vois pas d’autre solution si on veut vraiment avoir les caractéristiques des particules : concentration, j’ai peur que ce ne soit de la mesure in-situ. Mais le LIDAR doit quand même, si je comprends bien –je ne suis pas du tout un spécialiste de la question – fournir une évaluation qui tient la route, qui permet quand même de caler les modèles, une évaluation meilleure que ce que peuvent fournir les techniques satellites, qui eux nous délimitent une zone, mais une zone qu’on ne sait pas relier directement à des estimations de concentration, au moins sans calage in-situ.

Matthieu Schira : Est-ce que vous estimez qu’après cette crise justement, les techniques de mesure se sont améliorées ? Est-ce que vous estimez qu’on a appris dans la précision des mesures ou dans la façon de suivre l’évolution d’un tel phénomène suite à cette crise ?

Patrick-Louis David : A mon avis oui, quand même. Je pense que sur un cas similaire cette fois-ci les acteurs sauraient réagir plus vite, en ce sens de mettre en place ce qui l'a été pour le cas évoqué. Déjà je pense qu’on en sait un petit peu plus sur la vulnérabilité, sur un certain nombre d’éléments sur les avions quand même et sur la nécessité de faire très vite des mesures in-situ. Et des avions, évidemment des avions équipés, il n’y en a pas beaucoup dans le monde, mais disons dans les zones sensibles du point de vue trafic aérien dense. Je pense que dans la plupart des zones il y a quand même un avion de recherches de tel ou tel organisme disponible qui peut aller faire des mesures. Je dirais que ça se mettrait en œuvre je pense un petit peu plus vite. Étant quand même entendu qu’on a quand même fait très vite : on se trouvait dans un cas de figure un petit peu défavorable : l’avion avait été préparé pour une campagne – je ne l'ai plus en tête, mais je crois que c’était en zone tropicale, sur une campagne de recherches – et de ce fait il n’avait vraiment pas du tout l’instrumentation qu’il fallait pour les mesures souhaitées ni les logiciels, il fallait tout remonter. Dans d’autres cas on pourrait avoir la chance que les capteurs soient plus facilement disponibles et montables. Il a fallu également faire venir je ne sais plus quel capteur, je crois que c’est un Lidar mais je ne sais pas d'où, ça a pris du temps. Maintenant on pourrait aller un peu plus vite, ce qu’il faut savoir quand même c’est que sauf coup de chance étonnant, arrivée d’un avis de cendres etc., on ne saurait pas, si l'arrivée de l’avis est le soir, on ne saurait en général pas faire décoller l’avion le lendemain.

Il faut quand même du temps pour préparer ça. Et puis on peut sans doute se retrouver dans le coup de pas de chance où il n’y a vraiment pas d’avion à proximité, il faut en faire venir un, le temps de le configurer, ça peut prendre du temps. Sinon la mise en place d’un système de mesures tel que je vous en parlais, avec LIDAR etc., ça prendra forcément du temps quitte à avoir un peu plus d’avions disponibles, voire d’installer des capteurs sur quelques avions de ligne. Actuellement ce qu’on peut faire : on peut espérer que ce qui irait plus vite, c’est immédiatement de bondir sur les avions de recherche disponibles pour, toutes affaires cessantes, les configurer pour aller leur faire faire des mesures. C’est pareil au niveau des LIDAR de recherche disponibles, de « réveiller » tous les chercheurs : « mettez vos instrument en route s’il vous plaît, on a besoin de vous tout de suite ». Là on gagnera un certain nombre d’heures, voire un ou deux jours. De là à avoir un réseau de mesures, ça prend forcément plus de temps. Nous le savons, l’instrumentation d’un avion prend très longtemps, puisque forcément il y a tous les tests de certification de l’avion. Ce sont des choses que nous connaissons bien puisque nous récupérons des données météo transmises par des avions de ligne et ça prend beaucoup de temps, et c’est normal : en aéronautique il faut le temps de tout vérifier. Donc la même crise se reproduirait au mois d’avril à venir, je suis sûr que les choses se passeraient différemment. Maintenant les procédures auront été rodées.

Matthieu Schira : Est-ce que vous savez si une prochaine éruption est à craindre de la part de ce volcan ?

Patrick-Louis David : Je n’en sais rien du tout, c’est une bonne question. Je ne sais plus, ça fait pas très longtemps mais je ne l’ai plus en tête : d’informations officielles je n’en ai pas. Mais il s’agirait de l’information grand public, comme quoi il semblait s’être vraiment assoupi pour de bon et pour un moment. Et pareil, d’ailleurs, pas de nouvelle du volcan à côté qui, lui, était beaucoup plus grave, entre guillemets, qui … avec les volcanologues, qui craignaient que l’un entraîne le réveil de l’autre, ce qui n’a pas l’air de se produire.

Matthieu Schira : Avec le groupe aussi, nous travaillons et réfléchissons en ce moment sur le principe de précaution, ses aspects législatifs, et nous avons remarqué que la législation en France et en Europe fait justement un peu défaut, du moins dans les récentes années. Est-ce qu'à Météo-France vous avez un encadrement strict et précis de l'application du principe de précaution, s'il est bien encadré, sur le suivi, quand on l'arrête ; est-ce que vous pensez que la législation est à revoir ou est-ce que vous avez le sentiment qu'on pourrait à nouveau tirer des conséquences de cette crise sur l'application du principe de précaution ?

Patrick-Louis David : C'est très délicat. Il faut faire attention : le principe de précaution s'applique quand même plus sur les affaires de santé et d'environnement. Ce qui est un peu curieux, c'est que l'impact éventuel du volcan sur la santé, sur l'environnement, est très vite sorti des inquiétudes, alors qu'après tout on aurait pu se poser la question, d'ailleurs on a vu de légères augmentations du taux de poussière relevé par les réseaux qualité de l'air, sans savoir d'ailleurs si ça venait du volcan ou simplement de l'activité humaine. Je dirais que là, pour nous, le principe de précaution en météo entre guillemets s'applique très moyennement à nous, c'est-à-dire que nous, en météo – mais il n'y a pas que la météo, il y a tout ce genre de discipline –, nous allons fournir un avertissement de risques de quelque chose, nous allons parler en termes de risque et de probabilité […] en aval de ce que nous fournissons. Notre travail, c'est d'essayer de fournir tous les éléments possibles pour permettre aux décideurs de prendre une décision en fonction du risque disponible et du niveau de risques admissible.

Derrière, pour nous, c'est de faire tout ce que nous pouvons pour évaluer au mieux le risque et évaluer au mieux tout les facteurs et les paramètres à côté, étant entendu que dans une affaire comme celle-là – mais il n'y a pas que celle-là, ça peut se penser aussi pour l'évacuation de populations etc. – ce n'est pas nous qui prenons la décision, parce que finalement nous nous n'avons pas tous les éléments, nous avons les éléments météo. Dans cette affaire-là, on admet des éléments d'abord en termes de zones à risque de concentration de particules, et puis après – bon on aurait bien aimé effectivement donner des zones de concentration qui peuvent être très à la limite de ce que peut faire la technique. Et puis dernière, c'est vraiment d'essayer de fournir à tous les décideurs une évaluation aussi précise que possible de tout ça, et une évaluation de l'incertitude de ce que nous fournissons, en évitant de forcer le trait en la minimisant ; mais par contre on ne va jamais modifier une prévision au titre du principe de précaution… Effectivement, il y a une prise de décision d'un prévisionniste, où il va dire : « Bon écoutez (restons dans le contexte du nuage de cendres volcaniques), écoutez Monsieur le Directeur, là a priori je suis désolé mais moi, avec les éléments dont je dispose, la moitié nord de la France est dans la zone à risque de particules ; bon par contre je prends aussi le risque de vous dire que la moitié sud de la France doit rester ouverte, normalement, elle est à côté de ce risque, étant entendu qu'entre les deux il y a forcément une zone tampon, et là dedans il y a des incertitudes qui sont à expliquer ». Donc il y a des prise de risques à ce niveau-là, et il faut éviter de faire jouer le principe de précaution à ce niveau là parce que sinon, sur la chaîne en cascade, ça va conduire à des catastrophes. A ce niveau-là, je pense qu'il ne faut pas faire jouer le principe de précaution, il faut vraiment considérer la chose la plus probable ; par contre il faut évaluer, et fournir en les estimant au plus juste, en cherchant à les minimiser, les incertitudes sur ce que l'on fournit. Il ne faut pas hésiter quand même à indiquer les incertitudes lorsqu'elles valent le coup d'être mentionnées et que vraiment elles sont notables.

Matthieu Schira : J'avais une question – c'est un peu plus personnel –, comme vous étiez à Météo-France au moment de la crise, j'imagine que vous avez dû recevoir des demandes de journalistes, pas forcément vous mais au niveau de Météo-France plus généralement, pour en savoir plus parce que la catastrophe était quand même assez importante ; et puis, les jours passant, de plus en plus de gens étaient bloqués. Comment est-ce que vous l'avez vécu, est-ce que vous pouvez nous raconter un petit peu cette atmosphère autour de vous pour essayer d'en savoir plus et de savoir le véritable impact de ce nuage de cendres ?

Patrick-Louis David : Je dirais : non à la fin ; la pression médiatique a été très importante au début, après les journalistes ont très bien compris, d'ailleurs beaucoup plus vite que j'aurais pensé, que ça ne se passait pas chez nous, qu'effectivement c'était des décisions nationales, des modélisations – qu'ils voyaient avec leurs confrères – qui se passaient au niveau national voire même international, et qu'en venant chez nous ils avaient l'information de Pierre qui dit à Paul que Jacques lui a dit... donc, entre guillemets, ils n'avaient pas la source de l'information ; quant à avoir des scoops, à avoir des informations que personne n'avait, on n'allait pas se lancer là dedans, ils l'ont bien compris, ils ont compris d'ailleurs même que quand bien même on s'amuserait à […] ce serait de la fausse information qui n'aurait rien apporté à qui que ce soit ; donc la pression médiatique chez nous a diminué. J'avoue que sur une affaire comme celle-là, même sur un […] au début il y a quand même eu un nombre d'interviews relativement important, après ça s'est passé au niveau national ; j'avoue que j'ai assez apprécié les contacts avec les journalistes, de même que les collègues, car ils ont vraiment cherché à avoir l'information, à avoir l'information nationale, ils ont bien compris que ça se passait là, que chacun allait pas faire sa petite tambouille dans son coin ; j'avoue que j'ai assez apprécié leur professionnalisme de ce point de vue là, simplement chercher à avoir l'information pour expliquer à leurs lecteurs comment ça se passait au niveau national, pour essayer de faire les choses simples. Mais avec parfois des questions qui ont été ... alors c'était au tout début, très étonnant, il y a eu un vent de panique pendant un moment, ça s'est passé en une heure de temps : médias, préfecture ... (je crois que c’était le samedi) il y a eu une arrivée de nuages bas ; on était dans des conditions plutôt anticycloniques, il y a eu des arrivées de nuages bas par la Manche – ce qui est normal en conditions anticycloniques – et immédiatement tout le monde a appelé : « Ça y est, c'est le nuage volcanique ! » Aux journalistes et préfectures, on a dit : « Non, non, ce sont des nuages normaux, c'est parfaitement inoffensif, ce n’est pas ça que nous attendions. »

Matthieu Schira : Éventuellement est-ce que vous auriez quelque chose à rajouter, qu'on aurait oublié, qu'on n'aurait pas mentionné, qu'on aurait oublié de vous posé, quelque chose que vous souhaitez rajouter, qui vous semble important ?

Patrick-Louis David : Après il y a effectivement le grand problème autour de cela, et ce problème persistera : très grosse difficulté des autorités au moment où il y a des décisions qui sont très lourdes de conséquences à prendre, je pense que la décision de traiter le problème par fermeture des aéroports de l'espace aérien était sage, plutôt que de le laisser aux compagnies aériennes ; il me semble que c'était aussi bien comme ça – c'est une simple impression personnelle, après c'est à eux de voir entre eux, moi je n'ai pas les tenants et les aboutissants.

Il faut bien voir que, derrière, on travaille sur une modélisation de dispersion du nuage de cendre en haute altitude, qui dépend en fait de plusieurs facteurs : d'abord de l'émission par le volcan, qui ne sera jamais connue avec une très grande précision, vous imaginez bien dans ces conditions que de toute façon on ne pourra jamais avoir de mesure extrêmement précise, et puis après on dépend de la précision de la prévision météorologique en elle-même, des vents en altitude, des conditions de dispersion, qui n'est jamais précise au mètre ou à la seconde près, qui a ses incertitudes, et puis après du processus de transfert, transport, dilution, qui amène à nouveau d'autres incertitudes. Donc à l'arrivée, il ne faut pas rêver : on ne va jamais arriver à des prévisions au microgramme près. De toute façon on pourra chercher à améliorer les choses, il y aura toujours cette constante amélioration, avec l'amélioration des modèles météo et des couplages avec les modèles de dispersion de polluants, mais on n'atteindra jamais une précision infinie, d'où l'utilité d'avoir des mesures pour recaler ça en temps réel. Du coup, des fois des prises de décisions sont à prendre où on est à la limite du risque, alors est-ce qu'on le prend, est-ce qu'on le prend pas ; ce que connaît bien le monde de l'aviation civile, qui pratique le principe de précaution, mais le pense d'une autre façon que celui qu'on connaît dans le monde de l'environnement, de la santé ; eux ils le pratiquent depuis 30 ou 40 ans, c'est-à-dire de prendre les mesures qu'il faut pour voler en sécurité, sachant qu'il y a toujours une petite marge.

(Remerciements)

Dernière mise à jour le 08/05/2011 par Groupe.

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