La conférence nationale sur les rythmes scolaires : origines, déroulement, et résultats

Le problème des rythmes scolaires est un problème récurrent au cours du siècle dernier, le gouvernement les faisant régulièrement évoluer de façon à les adapter aux nombreuses contraintes qui l’affectent, en particulier sociétales, alors que tout au long des trente dernières années, les chronobiologistes n’ont cessé de les critiquer, et de proposer un nouveau schéma de rythmes tenant compte des rythmes chronobiologiques de l’enfant. Le problème s’est récemment amplifié depuis l’instauration officielle de la semaine des quatre jours en 2008 comme base du calendrier scolaire national. Plébiscitée lors de son entrée en vigueur, en particulier par les parents d’élèves, elle est devenue de plus en plus controversée, à tel point que deux ans plus tard, en 2010, le gouvernement a lancé une conférence nationale sur les rythmes scolaires avec pour but de réaliser un rapport d’orientation, à partir de la synthèse de toutes les contributions des différents acteurs impliqués.

Pourquoi organiser une conférence nationale sur les rythmes scolaires :

Le 15 mai 2008, sous le ministre de l’éducation nationale, à l’époque Xavier Darcos, un nouveau décret relatif à l’organisation et au fonctionnement des écoles maternelles et élémentaires 1 ramène le temps de la semaine scolaire en primaire à 24 heures, les élèves rencontrant des difficultés d’apprentissage pouvant bénéficier en outre de deux heures d’aide personnalisée. L’article 10-1 répartit ces 24 heures en 4 tranches de 6 heures le lundi, le mardi, le jeudi et le vendredi. Cette réorganisation, bien que n’interdisant pas les aménagements, se trouve cependant fortement durcie par la mention de l’existence d’un « calendrier scolaire national » dans le même article, ce qui semble rendre impossibles d’éventuelles modifications locales.

Cette mesure est plébiscitée par les parents d’élèves en particulier, même si quelques syndicats appellent dès juin 2008 à un débat national sur les rythmes scolaires, sans pour autant se positionner clairement contre la semaine de 4 jours.

Ce n’est qu’à partir de 2009 que les premières critiquent commencent à fuser, liées en partie à la publication des classements PISA, relativement mauvais, voire même humiliants pour certains. Alors que Xavier Darcos se défend d’avoir imposé la semaine de quatre jours aux collectivités locales, affirmant leur avoir laissé le choix avec la semaine de quatre jours et demi, contre lequel il dit n’avoir aucun a priori, la FCPE annonce officiellement le début de sa campagne contre la semaine des 4 jours le 3 février 2009 : elle préconise un rythme scolaire en primaire de 4 jours et demi, avec trois heures de cours le mercredi matin pour remplacer la semaine officielle des quatre jours. Son président, Jean-Jacques Hazan explique alors au cours d'une conférence de presse:

La semaine de quatre jours, imposée par le ministre Darcos, densifie la journée de travail et est beaucoup trop fatigante pour les enfants. 2

Devant la montée de la contestation et en particulier suite aux mauvais résultats de la France au classement PISA. , l’Académie Nationale de Médecine se penche sur la question. A partir de nombreuses études et oeuvres, dont des contributions des chronobiologistes, de plus en plus écoutés, elle rédige un rapport 3 sur le problème de l’aménagement du temps scolaire et la santé de l’enfant, plaçant ainsi l’intérêt de l’enfant au centre du débat. Ce rapport est rendu public le 19 janvier 2010, et dénonce les méfaits de la semaine de quatre jours. Il appuie les mises en cause déjà faites par l’Inspection générale du premier degré de l’Education Nationale, mais aussi par la fédération de parents d’élèves FCPE. Les oeuvre des chronobiologistes François Testu et Hubert Montagner, sommités du domaine, sur les contributions desquels la FCPE appuyait ses critiques de la semaine de 4 jours, ont aussi alimenté le rapport, replaçant dès lors la chronobiologie en premier plan du débat qui s’enflamme : l’Académie Nationale de Médecine s’est ainsi clairement prononcée en faveur du retour à la semaine d’école à 5 jours, avec un trimestre articulé autour de sept semaines de travail pour deux semaines de congé, et la réduction des congés d’été.

La publication du rapport ravive dès lors les demandes de débat national sur les questions liées aux temps de l’enfant : dès février 2010, la FCPE, la CFDT, plusieurs de ses fédérations, et de nombreux autres acteurs s’appuient sur ce rapport pour réitérer leurs demandes d’organisation d’une conférence nationale sur les temps de l’enfant pour questionner l’ensemble des données : l’organisation de la semaine, de l’année mais aussi celle des temps périscolaires, associatifs ou de transport, le tout selon l’optique de l’intérêt de l’enfant, son temps étant décrit comme trop souvent résultant des modes de vie des adultes.

A l’issue des Etats généraux de la sécurité à l’Ecole, Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du gouvernement, annonce le 8 avril 2010 la tenue d’une conférence nationale sur les rythmes scolaires, impliquant tous les acteurs intervenant dans ce problème.

Le 7 juin 2010, il installe officiellement le comité de pilotage de la conférence nationale sur les rythmes scolaires dans le but de réaliser un état des lieux avec l’ensemble des parties prenantes pour proposer à tous les élèves les conditions d’apprentissage les plus favorables à leur réussite, et tenter de réconcilier les rythmes de l’école, de la famille et de l’enfant, qui « ne sont plus en harmonie ».

Vidéo de l'ouverture de la conférence nationale sur les rythmes scolaires



Luc Chatel a présenté à la presse la conférence nationale sur les rythmes scolaires le lundi 7 juin 2010 : membres du comité de pilotage, calendrier et méthode de travail



Présentation de la conférence nationale sur les rythmes scolaires par des membres du comité de pilotage



Voici une présentation du comité de pilotage disponible sur le site rythmes-scolaires.fr 4 :

Quelle est la mission du comité de pilotage de la conférence nationale sur les rythmes scolaires ?


Co-présidé par Odile Quintin, ancien directeur général de l'éducation et de la culture à la Commission européenne, et par Christian Forestier, administrateur général du Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM), le comité est composé de personnalités qualifiées sur les questions éducatives, économiques et sociales.

Consulter tous ceux qui sont touchés par la vie de l'Ecole : les organisations syndicales, les fédérations de parents d'élèves, les organisations de lycéens, les représentants du monde associatif, du monde économique et social mais aussi tous ceux dont l'activité est concernée par les rythmes scolaires sans se limiter dans ses auditions, tant en nombre qu'en fréquence. Les points de vue et les idées de tous les représentants concernés par le sujet seront recueillis grâce à une consultation la plus ouverte et la plus complète possible, menée sur l’ensemble du territoire.

Analyser les implications pour tous les acteurs concernés d’éventuelles décisions relatives aux équilibres entre temps de l’école, temps de la famille et modes de vie actuels. La synthèse des réflexions et des débats sera restituée au ministre à la mi-janvier 2011.

Proposer des mesures pour permettre une amélioration réelle des conditions de vie et d’apprentissage des élèves, et ainsi une plus grande réussite de chacun. A partir des bases esquissées par la synthèse des réflexions et des débats, le comité de pilotage approfondira les conditions de faisabilité et de mise en ?uvre des pistes proposées, en procédant à des consultations complémentaires pour remettre un rapport d'orientation au ministre en mai 2011, assorti de propositions de calendrier d'application.

Quelles sont les modalités de consultation ?


La consultation sur les rythmes scolaires a pris trois formes complémentaires :

  • Les auditions par le comité de pilotage : le comité de pilotage a mené des auditions d’intervenants variés concernés par la question des rythmes scolaires. Il a collecté les contributions écrites de chacun d’eux pour diffusion. Il a recueilli les contributions spontanées de ceux qui souhaitaient participer au débat.
  • Les débats dans les académies : Les académies, en lien avec le comité de pilotage, ont organisé des débats ou des tables rondes. Ces débats ont été ouverts à tous ceux qui désiraient apporter leur éclairage et leur connaissance sur le sujet : professeurs, parents d’élèves, élus, institutions, associations, etc.
  • Chaque académie a rédigé une synthèse globale des débats académiques. Les comptes rendus des réunions sont également accessibles.
  • La plateforme de consultation publique : une large consultation a été menée sur le web grâce à une plateforme de discussion et d'échanges. Elle a recueilli les participations et réactions de tous ceux qui souhaitaient s’exprimer sur le sujet

Quel est le calendrier de la conférence nationale sur les rythmes scolaires ?



  • MI-SEPTEMBRE 2010 – MI-DÉCEMBRE 2010 : LA CONSULTATION

  • Ces trois mois ont été consacrés exclusivement à la consultation. Les auditions menées par le comité de pilotage et les débats dans les académies ont eu lieu au cours de cette période. La plateforme de discussions et d’échanges a été ouverte au public de la mi-septembre à la mi-décembre.

  • MI-DÉCEMBRE 2010 – MI-JANVIER 2011 : LA SYNTHÈSE

  • Le comité de pilotage rédige un rapport de synthèse des échanges qui ont eu lieu sur la plateforme d’échanges, dans les académies et lors des auditions.

    Dans la deuxième quinzaine de janvier, le rapport de synthèse sera remis au ministre.

  • MI-JANVIER 2011 – MAI 2011 : LES PROPOSITIONS

  • À partir du rapport de synthèse, le comité de pilotage approfondira les conditions de faisabilité et de mise en ?uvre des pistes esquissées. Pour cela, il procédera à des consultations complémentaires.

    Au terme de ces trois mois de travail et de réflexion, le comité remettra au ministre un rapport d’orientation, qui intégrera propositions et calendrier d’application.

  • À PARTIR DE MAI 2011 : LES ORIENTATIONS

  • C’est sur la base de ce rapport que le ministre et son équipe pourront faire des choix d’orientation et décider des pistes de travail retenues et du calendrier de mise en oeuvre.

Quelles seront les conséquences de la conférence nationale sur les rythmes scolaires ?


La conférence s’est close avec la remise du rapport d’orientation au ministre de l’éducation nationale Luc Chatel. Elle aura au final recueilli 57 contributions d’acteurs concernés par le sujet : experts et chercheurs, organisations représentatives de personnel, fédérations de parents d’élèves, organisations de lycéens, représentants du monde associatif, du monde économique et social, … et les contributions des débats dans chacune des académies de France. La mobilisation dans les académies a été certaine : on dénombre au total environ 150 000 participants à près de 9 000 débats partout en France.

A travers le site officiel de la conférence nationale sur les rythmes scolaires, la participation des internautes au débat sur les rythmes scolaires a été soutenue, même si elle a connu des fluctuations sur les trois mois de consultation. On comptabilise plus de 276 000 visiteurs uniques absolus (nombre de personnes ayant visité le site, quel que soit le nombre de sessions ouvertes par chacun, rapporté à la période d’analyse) sur le site internet du 14 septembre au 20 décembre 2010 et plus de 5100 se sont inscrits sur la plateforme. Plus d’1,5 million de pages ont été vues.

L’implication de tous les acteurs dans le débat a été très importante, mais pourtant, certains doutent des suites pratiques et des réelles avancées que permettra en pratique la conférence nationale sur les rythmes scolaires.

Ainsi, Hubert Montagner, chronobiologiste de renom, directeur de recherche à l’INSERM et membre du Comité National de Suivi de la recherche INRP, s’inquiète de voir reprises à la lettre toutes les revendications que les chronobiologistes mettent en avant depuis près de 20 ans et se demande si ce rapport aura de réelles suites.

Il me semble tout de même qu’il y a une évolution, à moins que ce ne soit une man?uvre : la conférence nationale sur les rythmes scolaires vient de rendre un pré-rapport au ministre, et ce qui m’inquiète, paradoxalement, c’est que ce rapport reprend pratiquement tout ce que nous disons et écrivons depuis 20 ans, ce qui est étonnant. Il se pourrait que ce soit uniquement dans le but de noyer le poisson : le temps passe, aux nouvelles réclamations on répond qu’on en a déjà parlé et ainsi on ne change rien. Ce qui me rassure en revanche, c’est que nous avons été bien entendu par la commission Education et Ecriture de l’Assemblée Nationale. Ce rapport est très intéressant ; la commission y est même parfois plus exigeante que nous. L’Académie de Médecine nous a également suivi en rédigeant un rapport qui reprend presque ce que nous publions depuis 20 ans à la virgule près. Les inspecteurs généraux de l’Education Nationale sont également mobilisés, l’association des éducateurs des villes de France et les directeurs d’éducation des villes de France ont également accepté toutes nos conclusions. La communauté scientifique n’est donc plus seule à alerter l’opinion.

De même, Quentin Delorme, représentant de l’UNL (Union des Lycéens) exprime ses craintes que la conférence nationale ne débouche pas sur les avancées escomptées dans le domaine de la pédagogie.

Oui, il y a une crainte, mais on l’avait déjà il y a 4 ans quand on nous a annoncé qu’on allait supprimer un poste de fonctionnaire sur deux à l’école. En 5 ans, on aura supprimé 75 000 à 80 000 postes dans l’Education Nationale. C’est au moment des réformes que j’ai énuméré précédemment qu’on aurait dû parler des rythmes.
La conférence des rythmes pourra apporter satisfaction si on arrive à avancer sur certains points : les 15 jours de vacances à la Toussaint, l’alternance 7 semaines de cours - 2 semaines de vacances, que les élèves commencent à 9 heures car cela est cohérent avec leurs rythmes biologiques… Ce seront déjà des victoires si ces réformes passent. Mais sachant que nous considérons que pour l’essentiel, une réforme des rythmes scolaires devrait se concentrer sur la pédagogie, nous savons déjà que nous n’aurons pas de progrès sur ce plan là : nous sommes d’avance déçus là-dessus. Dans cette période politique, nous nous contenterons de gagner ce qu’on peut gagner, en attendant… de meilleurs jours (rire)

Seules les suites données au rapport d’orientation du comité de pilotage, remis au ministre de l’éducation nationale en mai 2011, pourront concrétiser ces craintes ou réformer les rythmes scolaires pour tenir plus en compte des critiques des chronobiologistes. Il semble cependant fort probable que, devant l’hostilité unanime des acteurs vis-à-vis de la semaine des 4 jours, celle-ci ne survive pas à la rentrée 2011 : avant même la remise du rapport d’orientation du comité de pilotage, une circulaire de préparation à la rentrée5 a été publiée appelle en effet à sa suppression dans toutes les écoles maternelles et primaires. La conférence nationale sur les rythmes scolaires assurerait au minimum la suppression d’une organisation hebdomadaire pour le moins décriée par une majorité d’acteurs dans le débat.




1 Site koubi.fr, consulté le 15 Mai 2011 (lien)
2 AFP. Darcos ne voit « aucun inconvénient » au retour à la semaine de 4,5 jours, consulté le 15 Mai 2011 (lien)
3 Rapport de l'académie nationale de médecine, consulté le 15 Mai 2011 (lien)
4 Site de la conférence nationale, consulté le 15 Mai 2011 (lien)
5 Site vie-publique.fr, consulté le 15 Mai 2011 (lien)

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