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Ouest-France - samedi 12 septembre 2009

Algues vertes : "J’ai vu mon cheval faire un arrêt cardiaque"

Vétérinaire de formation, aujourd’hui chercheur en virologie, Vincent Petit a failli perdre la vie le 28 juillet, vers 16 h, sur la plage de Saint-Michel-en-Grève. Son cheval est mort asphyxié. Il témoignait hier soir, à Douarnenez.

« Je suis Parisien, j’étais descendu en Bretagne pour un week-end de vacances, en emmenant mon cheval pour profiter de la grève à marée basse. Après une balade et des évolutions sur la plage de Saint-Michel-en-Grève que je connaissais, je suis descendu de cheval. Je l’ai conduit à la bride pour longer le bord de la plage et franchir le ruisseau du Roscoat. En approchant de cet endroit précis, que je n’avais encore jamais fréquenté, les antérieurs du cheval se sont enfoncés, il a glissé, m’entraînant avec lui. Je me suis retrouvé enlisé jusqu’au buste dans un mélange de vase et d’algues vertes. Au moins un mètre cinquante, mais je ne sais pas si j’étais au fond. Du cheval ont ne voyait plus que l’encolure, la selle et la croupe.

J’ai interpellé un ramasseur d’algues pour lui demander une corde qu’il n’avait pas à portée de main. J’ai alors vu mon cheval faire un arrêt respiratoire. C’est mon dernier souvenir de cet enchaînement infernal car j’ai alors moi-même perdu conscience. Je n’ai repris connaissance qu’une dizaine de minutes plus tard, avec une remontée de pente très difficile. Ce n’est qu’aux urgences de l’hôpital où les pompiers m’avaient conduit que j’ai, difficilement, pu tenir à nouveau debout.

Entre le moment où nous nous sommes approchés du Roscoat et ma perte de conscience, il ne s’est pas écoulé beaucoup plus de trente secondes. Tout va extraordinairement vite. Avant l’accident je me sentais parfaitement bien, aucun signe avant-coureur, pas de picotement de la gorge, pas de sensation d’étouffement ou de suffocation, pas d’odeur perceptible non plus comme celle de l’oeuf pourri. Mais je sais qu’à partir d’un certain seuil d’hydrogène sulfuré dans l’air, le nerf olfactif est paralysé et ne détecte donc rien. D’une certaine manière, le H2S agit comme du monoxyde de carbone. On ne perçoit rien. Mis a part de légers maux de tête dans la nuit qui a suivi, je n’ai pas eu de séquelles.

Mon cheval, Sir Glitter, 15 ans, un ancien cheval de course était en pleine forme physique et en très bonne santé. Il n’avait jamais eu d’antécédents respiratoires. À la demande de mon médecin, car nous étions en présence d’un syndrome d’intoxication dite collective, j’ai pratiqué, avec des vétérinaires de terrain, un examen de la dépouille de mon cheval.

Au vu des résultats, même si j’ai pris le temps de bien documenter scientifiquement mon cas, ma décision de porter plainte était prise. Elle a été déposée devant le pôle santé et environnement du parquet de Paris, une juridiction spécialisée. Je l’ai fait pour que mon affaire fasse école. Car, dans le passé, à de nombreuses reprises , des scientifiques ont tiré la sonnette d’alarme sur les dangers de l’hydrogène sulfuré émanant des algues vertes en décomposition.

Je témoigne aujourd’hui devant le public dans un but pédagogique, pour relater les circonstances précises et mettre en garde."

Recueilli par Jean-Laurent BRAS

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